Messages clés

  • Une étude observationnelle montre une augmentation du risque de fractures de la hanche avec la prégabaline et la gabapentine.

  • L’augmentation du risque était de 30%, mais était supérieure chez les personnes âgées avec fragilité et chez les patients ayant une atteinte rénale chronique.

  • Il s’agit d’une raison supplémentaire pour utiliser ces médicaments avec prudence chez les personnes âgées.

Introduction

La gabapentine et la prégabaline sont autorisées pour le traitement de l’épilepsie et des douleurs neuropathiques. Dans le RCP de la prégabaline, le trouble anxieux généralisé figure également parmi les indications. Ces deux médicaments sont de plus en plus souvent utilisés off-label dans les douleurs chroniques non neuropathiques (notamment lombalgies, sciatique, syndrome du canal carpien et prophylaxie de la migraine), bien que l’efficacité dans ces indications ne soit pas prouvée [voir Folia de février 2018].

Ces médicaments présentent notamment des effets indésirables centraux, tels que vertiges, somnolence et troubles de la marche, qui sont des facteurs de risque de chutes et donc de fractures.

Augmentation du risque de fractures de la hanche dans une étude récente

Dans une étude publiée récemment1 et discutée dans La Revue Prescrire, l’utilisation de gabapentine et de prégabaline était associée à une augmentation de 30% du risque de fractures de la hanche. Voici quelques détails :

  • L’étude a été réalisée à partir de bases de données australiennes de santé et de sécurité sociale. Une cohorte a été constituée, comprenant 28 293 patients âgés de 50 ans ou plus hospitalisés pour une fracture de hanche, entre 2013 et 2018. 2 946 de ces patients avaient été exposés à l’un de ces deux médicaments, la prégabaline le plus souvent. Environ 60% de ces patients exposés étaient âgés d’au moins 80 ans et 71% étaient des femmes. Chaque patient a été son propre témoin avec comparaison de l’exposition à la prégabaline ou la gabapentine dans la période de 60 jours précédant la fracture de hanche (index period) versus l’exposition dans une période plus éloignée dans le temps (reference period).

  • Après ajustement pour la prise d’autres psychotropes qui exposent à des chutes (antidépresseurs, neuroleptiques, benzodiazépines, opioïdes), l’exposition à la gabapentine ou à la prégabaline a paru plus grande dans la période de 60 jours précédant la fracture de hanche (index period) que dans une période plus éloignée dans le temps (reference period) : odds ratio : 1,30 [IC à 95% : 1,07 – 1,57].

  • L’augmentation du risque était la plus élevée chez les personnes âgées avec fragilité (HFRS ≥ 5, voir « + plus d’infos ») (odds ratio de 1,75 avec IC à 95% entre 1,31 et 2,33) et chez les patients ayant une atteinte rénale chronique (odds ratio de 2,4 avec IC à 95% entre 1,65 et 3,52).

    La fragilité a été calculée dans l’étude à l’aide du Hospitality Frailty Risk Score (HFRS). Un score < 5 est considéré comme un risque de fragilité faible, un score ≥ 5 comme un risque de fragilité élevé. [Note : selon Sciensano fragilité fait référence à un état de vulnérabilité croissante chez les personnes âgées. Cela peut être considéré comme un état de diminution de la « capacité de réserve » de la personne, avec pour conséquence que de petits maux peuvent plus facilement entraîner des problèmes de santé importants. Voir aussi site Web Sciensano.]

Commentaires du CBIP

  • Cette étude présente toutefois certaines limitations : données observationnelles basées sur des bases de données administratives ; exposition basée sur les données de délivrance qui ne correspondent pas nécessairement aux doses réellement prises ; échantillon trop faible pour permettre de différencier le risque associé à la gabapentine de celui associé à la prégabaline.1

  • Cette étude n’a examiné l’effet de la prégabaline et de la gabapentine que dans le cadre d’une utilisation à court terme. C’est principalement au cours des premières semaines que se produisent les effets indésirables tels que les vertiges, qui augmentent le risque de chutes et donc de fractures. Le risque de fractures constaté dans cette étude pourrait être une sous-estimation du risque global, selon les chercheurs : lors d’une utilisation à long terme, d’autres effets potentiellement indésirables de la prégabaline et de la gabapétine peuvent entrer en jeu, comme une diminution de la densité minérale osseuse due à une interférence avec l’homéostasie calcique.1

  • Ces données confirment ce qui est mentionné dans le Répertoire, à savoir que la gabapentine et la prégabaline doivent être utilisées avec prudence chez les personnes âgées (voir Gabapentine 10.7.2.2. et Prégabaline 10.7.2.3.). La prégabaline et la gabapentine sont surtout éliminées telles quelles via les reins, et la dose doit être réduite en cas d’insuffisance rénale (cf. le symbole   au niveau des spécialités), ce qui est souvent le cas chez les personnes âgées.  

  • Vu l’augmentation de leur utilisation on constate ces dernières années une augmentation des données concernant les risques avec la prégabaline et la gabapentine. Voir entre autres dans nos Folia :

    • Folia novembre 2024 : Syndrome de sevrage en cas d’arrêt brutal de la prégabaline

    • Folia octobre 2024 : Gabapentine et prégabaline : risque d’exacerbations sévères de BPCO

    • Folia juillet 2023 : Opioïdes ainsi que benzodiazépines et Z-drugs, mais aussi prégabaline et gabapentine : comment bien les utiliser ?

  • Notre e-learning « Médicaments et risque de chute » apprend à reconnaître les médicaments et les effets indésirables qui peuvent provoquer une chute. Les antiépileptiques en général sont mentionnés, mais la gabapentine et la prégabaline ne sont pas spécifiquement mentionnées. Voir aussi le résumé dans notre boîte à outils.

Noms des spécialités concernées :

  • Gabapentine : Gabapentin(e), Neurontin® (voir Répertoire)

  • Prégabaline : Lyrica®, Pregabalin(e) (voir Répertoire)

Source spécifique

Miriam T. Y. Leung et al. Gabapentinoids and risk of hip fracture. JAMA Network Open 2024 ;7(11):e2444488 (doi: 10.1001/jamanetworkopen.2024.44488). Discussie in La Revue Prescrire [2025;45 :190].